Faire évoluer les choses


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Les limites de la fuite en avant

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( Cl : J M )

Les dysfonctionnements du bassin versant sont maintenant bien identifiés. Des cours d'eau sont mis à sec, les sols et l'eau sont pollués par les fertilisants et les pesticides que l'on retrouve jusque dans l'eau du robinet. Année après année la situation se dégrade pour les eaux distribuées, les eaux souterraines, les cours d'eau, les zones humides, les estuaires. Beaucoup d'espèces animales et végétales sont en régression ou en voie de disparition en raison de la destruction ou de la pollution de leur milieu de vie.

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( Cl : J M )

Chacun s'accorde à dire qu'il est urgent d'agir. Mais la plupart du temps les solutions proposées sont dans la logique qui a encouragé le drainage, l'irrigation et l'intensification de l'agriculture. On commence à abandonner les captages d'eau potable trop pollués, ou rendus vulnérables par les prélèvements des irrigants. Au cours des dix dernières années 140 captages, dont 62  en Deux-Sèvres, ont été abandonnés pour des problèmes de nitrates, de qualité bactériologique ou de turbidité. Ensuite on établit des interconnexions entre les réseaux. Puis viennent les usines de dénitrification, les barrages, les retenues individuelles ou collectives dites de substitution.

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Des équipements coûteux et inadaptés

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Une partie du site prévu pour le barrage de la Trézence en Charente-Maritime
( Cl : M L )

La multiplication de ces équipements vise à rendre la situation plus supportable. Elle essaie de corriger les effets mais ne traite pas le mal à la source ( sans jeu de mot ). Le coût et la maintenance de ces équipements sont très élevés. Le barrage de la Trézence en Charente-Maritime devrait coûter 450 millions de francs. Le budget de fonctionnement annuel serait de l'ordre de 5 millions de francs.
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( Cl : ECAV )

Le premier rapport de Monsieur Pierre Roussel sur le Marais Poitevin envisageait la création de réserves pour un montant de 600 millions de francs.

Le coût moyen de la dénitrification est estimé à 1,80 F le mètre cube. Si toute l'eau distribuée en Poitou-Charentes devait être traitée cela représenterait pour les consommateurs un coût annuel de 274 MF... rien que pour les nitrates.

On comprend qu'il y ait là des perspectives alléchantes pour quelques firmes très puissantes qui proposent toute une gamme d'équipements et de services pour traiter et distribuer l'eau potable. Ce sont souvent les mêmes firmes qui fabriquent les engrais, et les pesticides. Les plus avisées ont également investi dans des secteurs clés de l'information comme l'édition y compris l'édition scientifique, la presse et la télévision.

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( Cl : J M )


De même les agriculteurs qui pratiquent l'irrigation du maïs essaient de conserver les avantages acquis. ( Le maïs irrigué produit les marges brutes les plus élevées, 8 200 F à 8 500 F par hectare au lieu de 4 500 F à 5 100 F pour le blé tendre ). Ils bénéficient des indemnités compensatoires les plus élevées. Les réserves d'eau pour l'irrigation sont subventionnées à 80 % et augmentent sensiblement la valeur des terres ainsi équipées. Ce n'est donc pas par hasard si les irrigants sont très présents et très influents dans les différentes instances qui représentent le monde agricole.

Les décideurs cèdent souvent à la pression des groupes qui viennent d'être évoqués et font le choix de solutions technologiques en invoquant l'urgence de la situation. Malheureusement ce ne sont pas des solutions durables. Les équipements nécessitent de l'entretien, vieillissent, doivent être renouvelés. Ils ne remplissent qu'une seule fonction et ne traitent qu'un aspect du problème. Une usine de dénitrification ne traite pas les pesticides. Elle n'agit que sur l'eau du réseau, elle ne traite pas les nitrates en excès dans le milieu naturel.

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( Cl : M L )

Une zone humide naturelle agit de façon beaucoup plus efficace, globale et durable. Elle apporte en plus toutes sortes d'agréments à la population. Actuellement le propriétaire d'un terrain en zone humide n'a aucun intérêt personnel à le garder en prairie ou à le laisser évoluer de façon naturelle.

Au contraire tout l'incite à y cultiver du maïs et à l'irriguer. C'est cette situation qu'il faut changer et investir dans des solutions naturelles plutôt que dans des solutions industrielles. A l'occasion des enquêtes pour la déclaration d'utilité publique d'un projet les options proposées, quand il y en a, consistent à comparer différentes solutions technologiques.

On n'envisage pratiquement jamais les solutions « alternatives » portant sur la renaturation des bassins versants et la modification des pratiques agricoles. Ainsi pour le barrage de la Trézence on a étudié une quarantaine de variantes qui portaient sur la capacité stockée et les usages possibles de l'eau. Le barrage est présenté comme nécessaire, indispensable, aucune autre solution n'est envisagée.

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Les objectifs à atteindre

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( Cl : J M )

Il s'agit de redonner vie aux cours d'eau et aux milieux naturels qui leur sont associés afin qu'ils retrouvent leurs qualités initiales : lieux de biodiversité et d'agrément pour le public, fonctions d'épuration et de régulation, fertilisation des estuaires. Toutes ces fonctions ne peuvent être assurées que si l'eau est disponible toute l'année et si elle est de qualité.

Comment donc favoriser l'infiltration, retarder les écoulements, lutter contre le ruissellement et l'érosion, améliorer la qualité de l'eau et restaurer les écosystèmes aquatiques.

Avant d'entreprendre une action il convient d'évaluer la situation localement. Inventorier tout ce qui est favorable au cycle de l'eau, ce qui doit être conservé, ce qui peut être amélioré. Repérer tout ce qui entraîne des dysfonctionnements. Ensuite il est possible de mette en place un programme à long terme qui intervienne à la fois sur les pratiques agricoles et sur l'aménagement du bassin versant.

Il n'y a certainement pas de solution miracle pour atteindre ces objectifs. C'est toute une panoplie de mesures adaptées à la situation locale qui permettront de restaurer les écosystèmes aquatiques, de retrouver la qualité de l'eau à la source, de redonner confiance au consommateur, de réconcilier le public avec les agriculteurs et tout simplement d'assurer un avenir à l'agriculture.

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Modifier les pratiques

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( Cl : M L )

Pour l'essentiel l'agriculture actuelle a recours à des méthodes de production industrielle. C'est une agriculture spécialisée et intensive. On cherche à se rapprocher de la production maximum qu'il est possible d'obtenir sur un sol donné. Ainsi le Poitou-Charente figure souvent au tout premier rang des régions de France, en terme de production à l'hectare, pour le maïs irrigué : de l'ordre de 100 quintaux, pour une la moyenne mondiale voisine de 40 quintaux. Atteindre une production aussi élevée nécessite un recours massif aux engrais et aux produits chimiques avec les conséquences que l'on sait.

Même pour l'intérêt privé de l'agriculteur la recherche de la production maximum n'est pas forcément la meilleure stratégie. Il existe souvent un « optimum », situé bien en deçà du « maximum » qui assure un bénéfice plus élevé grâce aux économies réalisées sur les fertilisants et les pesticides.

Il ne faut pas sous estimer les effets néfastes sur les pratiques agricoles de l'esprit de compétition, encouragé par les firmes qui produisent les semences et les pesticides. Actuellement tout encourage à atteindre le maximum de « rendement ». D'autres pratiques sont possibles qui pourraient prendre une place plus importante si on se donnait les moyens de les encourager.

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L'agriculture biologique

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Larve de coccinelle dévorant un puceron
( Cl : J M )

C'est une agriculture soucieuse de l'environnement et de la santé. Elle recherche avant tout à entretenir la fertilité naturelle des sols, utilise des variétés végétales qui résistent bien aux ravageurs et aux maladies. Elle favorise les insectes auxiliaires et les pollinisateurs en gardant à proximité des cultures des zones refuges, haies, friches, cultures dérobées. Elle utilise une gamme très réduite de produits phytosanitaires, souvent d'origine naturelle. Ce sont des substances qui sont employées depuis des centaines, voire des milliers d'années, et qui n'ont pas révélé d'effets nocifs pour la santé ou pour l'environnement.

La demande de produits biologiques est de plus en plus forte chez les consommateurs et la production nationale est loin de satisfaire la demande. Alors que l'agriculture biologique se développe dans les autres pays de la communauté européenne, elle stagne en France et d'année en année notre pays rétrograde au classement des producteurs « bio ».

Les produits biologiques sont réputés chers. Il s'agit en fait d'une illusion d'optique, d'ailleurs soigneusement entretenue. En effet on ne prend en compte que le prix à l'achat. L'acheteur n'a pas toujours conscience que lorsqu'il achète un produit « bon marché » de l'agriculture intensive, il devra par ailleurs payer les conséquences des pratiques de cette agriculture. Malheureusement aujourd'hui le consommateur est « pris en otage ». Il paie plus cher pour acheter des produits bio mais se voit quand même mis à contribution pour réparer les dégâts de l'agriculture intensive. Bien que le prix du mètre cube augmente sans cesse on a de plus en plus souvent une eau qui n'est pas conforme aux normes sur un ou plusieurs critères.

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La lutte biologique

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Chrysalide de coccinelle
( Cl : J M )

Elle consiste à protéger les cultures en utilisant les ennemis naturels des ravageurs ou des moyens liés à la biologie des insectes. Elle est très largement utilisée en agriculture biologique mais l'agriculture intensive peut également y avoir recours. Ainsi pour lutter contre la Pyrale du maïs, un papillon dont la chenille creuse des galeries dans les tiges, on peut utiliser des insecticides classiques, des insecticides d'origine naturelle ou avoir recours aux trichogrammes, qui sont de petits hyménoptères parasites des oeufs de la Pyrale. Le principal obstacle à cette méthode de lutte est que les plaquettes qui portent les oeufs des Trichogrammes doivent être distribuées à la main dans les champs de maïs.

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La lutte intégrée

C'est une pratique qui intègre la lutte biologique et un usage modéré de la panoplie chimique, en prenant soin de n'intervenir qu'en cas de nécessité et en faisant attention à nuire le moins possible aux insectes auxiliaires. Là encore les variétés les plus résistantes aux maladies et aux insectes sont préférées à celles susceptibles de produire de forts rendements.

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L'agriculture raisonnée

Elle est présentée à grand renfort de publicité comme l'agriculture de l'avenir : durable, moins polluante, respectueuse de l'environnement, des animaux, du consommateur... par ceux-là même qui sont actuellement les champions de l'agriculture intensive. Il est encore bien trop tôt pour porter un jugement ; l'avenir nous dira s'il s'agit vraiment d'une évolution, voire d'une révolution, ou d'une simple récupération de concepts « dans le vent » destinée à rassurer et séduire le consommateur.

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Aménager le bassin versant

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( Cl : M L )

Un des objectifs est de ralentir l'écoulement de l'eau. On diminue ainsi l'érosion et les pollutions qu'elle entraîne et en même temps on « étale » les crues dans le temps, ce qui permet d'en limiter les effets dévastateurs. Les crues sont des phénomènes utiles et nécessaires. Leurs effets négatifs résultent le plus souvent d'aménagements et de constructions implantés dans le lit majeur des cours d'eau au mépris des règles élémentaires de prudence. Haies, talus, fossés, méandres, obstacles dans le lit des cours d'eau contribuent à ralentir l'écoulement.

Ces dispositifs doivent être mis en place très en amont sur le bassin versant, là où l'eau peut être ralentie ou retenue de façon temporaire sans qu'il en résulte de graves inconvénients. Malheureusement c'est tout le contraire qui a été fait à l'occasion des remembrements. Dans tous les fonds de vallées, de profonds fossés ont été creusés pour évacuer l'eau le plus vite possible. Alors que localement une submersion temporaire des terres serait tout à fait supportable, les effets cumulés de ces aménagements sont responsables d'inondations catastrophiques en aval. La collectivité est doublement mise à contribution, d'abord pour réaliser les aménagements puis pour réparer les dégâts qui en résultent.

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( Cl : J M )

Compte-tenu de la mécanisation de l'agriculture, il n'est pas possible de revenir à un maillage de haies aussi serré que celui que l'on pouvait observer dans les années cinquante. Par contre il est tout à fait possible de replanter des haies en étant attentif au rôle qu'elles ont à jouer pour la régulation des écoulements. Les arbres, dont les racines plongent profondément dans le sol sont également en mesure de « récupérer » une partie des nitrates « échappés » des cultures. L'eau qui a commencé à ruisseler en surface en butant contre un obstacle est ralentie, perd en grande partie sa force d'érosion, dépose les particules qu'elle avait arrachées au sol. Une haie bien orientée réduit l'érosion et la pollution qui s'ensuit.

D'autres moyens peuvent concourir à cet objectif de réduction des pollutions. Il s'agit des bandes enherbées de façon permanente qui devraient protéger les rives de tous les cours d'eau sur une largeur suffisante et qui pourraient jouer le rôle de stations d'épuration naturelles. C'est une première étape en attendant la restauration d'une véritable ripisylve.

Tous ces dispositifs présentent l'avantage de remplir plusieurs fonctions. En plus de celles qui viennent d'être évoquées, ce sont des réservoirs de biodiversité qui participent à la qualité de notre environnement. Ils peuvent également produire du fourrage et du bois.

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Un exemple... en Allemagne

La municipalité de Munich reçoit une eau de qualité grâce à un système d'épuration entièrement naturel sur une superficie de 6 000 ha. L'eau est captée dans la vallée du Mangfall distante de 40 km mais qui présente des avantages décisifs : sols filtrants, forte pluviométrie et altitude permettant une adduction par gravité. Sur ce territoire la municipalité a acquis il y a plus d'un siècle un boisement de 1 600 ha, exploité par le service municipal des eaux, pour en faire un filtre naturel d'épuration. Au début des années 1990 la situation se dégrade. On enregistre une croissance légère mais régulière des polluants d'origine agricole : 15 mg/l de nitrates et 0,065 microgramme de pesticides pour les plus mauvaises analyses. Ces résultats, qui seraient dans notre région considérés comme excellents, amènent la municipalité de Munich à développer un programme d'encouragement à l'agriculture biologique pour les 2 250 ha de terres situées dans le périmètre de protection des captages.

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( Cl : M L )

La municipalité prend en charge le financement de l'aide technique à la conversion et des contrôles. Elle verse 1 843 F par hectare pendant les six premières années et 1 508 F pendant les douze années suivantes. Les agriculteurs peuvent également bénéficier des aides versées par l'état dans le cadre des programmes agri-environnementaux. D'autre part la ville assure la promotion des produits bio auprès des collectivités et écoule une partie de la production. En 1993, 23 exploitations représentant 800 ha passent un contrat avec la ville. En 1992 il y en a 92 ( 2 200 ha ), seulement 15 agriculteurs ne se sont pas encore convertis.

Le coût du programme de soutien à l'agriculture biologique est de 5,4 millions de francs par an. Ce qui représente 6 centimes par mètre cube d'eau distribué. En France le coût de la seule dénitrification est estimé à 1,80 F le mètre cube.