L'agriculture
des années cinquante à aujourd'hui


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Évolution des pratiques agricoles

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( Cl : J M )

L'évolution des pratiques agricoles s'est accélérée à partir des années cinquante. Lorsque j'étais à l'école primaire ( je suis né en 1944 ) l'évocation littéraire de la vie des paysans du siècle précédent ne me plongeait pas dans un monde radicalement différent de celui dans lequel je vivais. Les histoires que me racontait ma grand-mère n'étaient pas très différentes de celles que je lisais dans les livres qui évoquaient la vie à la campagne au XVIII e et au XIX e siècle. Les changements intervenus au cours des cinquante dernières années sont plus lourds de conséquences pour l'avenir de l'humanité que tous ceux qui étaient intervenus auparavant.

L'agriculteur des années cinquante travaille sur une propriété très morcelée. Au fil des héritages, les parcelles ont été partagées entre les enfants. Les mariages, les échanges entre voisins, tendent à reconstituer des parcelles un peu plus grandes... qui se diviseront encore. Ainsi beaucoup de champs font moins d'un hectare.

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( Cl : J M )

Les limites sont marquées par des fossés, des talus, des haies, souvent les trois en association. Parfois c'est un muret de pierres sèches. Le tout hérité des anciens dont les motivations ne relevaient pas nécessairement de ce que nous appelons aujourd'hui l'écologie. Il s'agissait avant tout de considérations pratiques. La haie donnait du bois de chauffage et du bois d'oeuvre, fournissait au bétail ombre et abri mais aussi un peu de nourriture en cas de pénurie. Parfois le motif est moins avouable : la séparation a pour origine une querelle entre voisins.

Dans les haies les anciens ont greffé des pommiers sauvages, des aubépines, des merisiers. Ils ont planté aussi des arbres fruitiers dans les angles de certaines parcelles mal taillées. Il y en avait pour tout le monde. La campagne était un paradis pour les enfants et nous avons tous gardé la nostalgie de ce temps là...

Mais après deux grandes guerres la main d'oeuvre masculine a manqué dans les campagnes. La nature s'est faite envahissante. Certains chemins bordés de haies se sont fermés, on passe au bout du champ. D'autres sont en mauvais état, défoncés par les grandes roues étroites et cerclées de fer, des charrettes et des tombereaux.

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( Cl : M L )

Parfois le paysan, on ne l'appelle pas encore agriculteur, se sent impuissant, incapable de dominer la végétation sauvage qui gagne sur son champ, qui envahit sa prairie et parfois cerne les bâtiments de sa ferme. On ne peut pas comprendre cette sorte de rage à tout détruire, à remembrer coûte que coûte, cette obsession de la ligne droite qui a défiguré les campagnes à partir des années cinquante si on n'intègre pas l'impuissance et le découragement du paysan face à une nature qui le domine.

Le paysan est démuni face aux aléas climatiques, aux maladies, aux fluctuations des cours. Aussi il ne « met pas tous ses oeufs dans le même panier » mais diversifie au maximum les élevages et les cultures.

Chaque ferme a ses vaches pour le lait qui est traité sur place ; chaque gros bourg a sa laiterie ou sa fromagerie, on redistribue le petit lait et le sérum pour les cochons. On élève aussi, volailles, souvent en liberté, chèvres, lapins.

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( Cl : J M )

Les cultures essaient de satisfaire l'appétit de tous. On cultive des céréales : blé, orge, avoine, seigle, un peu de maïs, choux, betteraves, topinambours... Les premiers tracteurs font leur apparition mais les chevaux procurent encore l'essentiel de la force motrice. Il faut être là tous les jours. Se lever tôt. Travailler tard. Les congés payés pour les ouvriers vont rendre au paysan sa situation insupportable.

Ça tombe bien. L'industrie a besoin de bras, l'agriculture ne produit pas assez, il faut la moderniser. On va par tous les moyens encourager les jeunes à quitter les campagnes.

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( Cl : J M )

Ceux qui resteront vont récupérer les terres libérées par ceux qui sont partis à la ville. On leur demande de produire plus ? Ils vont réussir au-delà de toute espérance. La production agricole devient excédentaire, les stocks s'accumulent, leur gestion est ruineuse et les exportations vers les pays en voie en développement compromettent le développemnt des agricultures locales. C'est la fin des paysans et le début de l'agriculture industrielle.

Nous allons tenter une comparaison entre l'agriculture des années cinquante et l'agriculture intensive actuelle. Un tel sujet nécessiterait un développement qui dépasse largement le cadre de ce travail. Nous ne retiendrons que les aspects qui ont une influence directe sur le bassin versant et la rivière.

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Néré ( 17 ) avant le remembrement en 1960...
( Cl : J M )


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... et 40 ans plus tard.
( Il n'y a pas que le clocher qui a changé )
( Cl : J M )


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Vu du ciel en 1950...
( Cl : IGN )


XNERE99R
...et en 1999
( Cl : IGN )


LES PARCELLES

Les parcelles sont de petite taille, à la mesure du travail que peuvent fournir l'homme et l'animal, délimitées par des murettes de pierres sèches, des fossés, des talus souvent plantés de haies.

La délimitation des parcelles est un obstacle à l'érosion. Les racines des arbres favorisent l'infiltration. Les fossés de ceinture retiennent l'eau le temps qu'elle s'infiltre ou s'évapore.

Cette mosaïque de petits champs délimités constitue un paysage exceptionnel, c'est un paradis pour les enfants, une extraordinaire réserve de faune et de flore.

Les parcelles sont aménagées pour le travail mécanisé.

Le remembrement a permis de regrouper les terres. Les haies ont été arrachées, les fossés comblés, les talus arasés. On a bouché de petits chemins tortueux pour en créer d'autres bien rectilignes.

Depuis les années cinquante le nombre de paysans a considérablement diminué ce qui accentue encore la tendance au regroupement des parcelles, à l'uniformisation.

Ce nouveau territoire est davantage exposé à l'érosion. Il se défend mal contre la pollution. La régulation des écoulements ne se fait plus.

Le paysage est souvent d'une banalité affligeante, il n'y a presque plus d'enfants dans les campagnes. Les écoles rurales ferment les unes après les autres.

La biodiversité a considérablement régressé.


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( Cl : J M )


LES ZONES HUMIDES

Les moyens de l'époque ne permettent pas de les mettre en culture.

Il n'y a d'ailleurs aucun intérêt à le faire puisqu'elles produisent un fourrage de qualité. Les prairies communales sont utilisées collectivement. Quand le sol est suffisamment ressuyé pour que le piétinement des troupeaux ne le détériore pas, le tambour municipal passe annoncer l'ouverture des prairies. Les gardiens et gardiennes de troupeaux, jeunes et moins jeunes, se retrouvent à la prairie, haut lieu de vie sociale...

Les zones humides jouent pleinement leur rôle.

La mécanisation permet de labourer les prairies et les marais. Les terrains communaux sont partagés entre les agriculteurs qui exercent encore. Les premières années les rendements sont excellents. Les inconvénients viendront plus tard.

Les prairies disparaissent, et une grande partie des marais. Le maïs prend la place. On draine pour évacuer l'eau... puis on irrigue.

Non seulement on a détruit la régulation et l'épuration de l'eau mais on y ajoute la pollution et la mise à sec des cours d'eau.


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( Cl : J M )


LES COURS D'EAU

Les cours d'eau sont entretenus par les riverains et assurent toutes sortes de fonctions. Ils font tourner les moulins, permettent au bétail de s'abreuver, on y lave le linge.

Bien sûr c'est un lieu de loisir. Le braconnage est intense mais le milieu paraît inépuisable.

L'eau coule toute l'année, l'eau est claire, des bancs de goujons s'ébattent sur le sable blanc. Au coeur de Saint-Jean d'Angély, le canal Saint-Eutrope est peuplé de vairons, de truites, de chevesnes, d'anguilles... ( ce n'est qu'un exemple parmi tant d'autres ).

Les riverains se déchargent de l'entretien des cours d'eau sur des syndicats de rivière ou de marais. Les moulins tombent en ruine.

Beaucoup de petits cours d'eau ont été redressés, recalibrés, reprofilés, ce ne sont plus des cours d'eau, mais des fossés rectilignes et profonds qui n'ont pour vocation que d'évacuer l'eau au plus vite pour cultiver les terres de fond de vallée. La plupart sont à sec la moitié de l'année.

Les rivières souffrent de pollutions diverses et d'eutrophisation : chaque caillou du fond est enrobé d'une prolifération d'algues filamenteuses. Certains cours d'eau subissent des étiages sévères ou sont à sec et beaucoup de pêcheurs, écoeurés, ont renoncé à leur loisir favori.

A Saint-Jean d'Angély, le canal Saint-Eutrope n'est plus qu'un égout à ciel ouvert.


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( Cl : J M )


LE TRAVAIL DU SOL

Il se fait à l'aide de la force animale, boeufs ou chevaux et aussi à la main pour le sarclage. On laboure à faible profondeur. Le paysan ne laboure pas l'ensemble de ses terres chaque année, loin s'en faut ; la luzerne permet au sol de « se reposer » plusieurs années de suite.

Les terrains les plus difficiles ne sont pas travaillés mais sont utilisés en pâtures. C'est le cas des fonds de vallée, trop humides, des coteaux caillouteux.

Les équipements sont légers, il n'y a pas de tassement du sol.

Les périodes de repos sont favorables à la faune et à la flore du sol.

Tout est mécanisé.

Les terrains les plus difficiles sont accessibles au labour.

Le plus souvent l'agriculteur laboure l'ensemble de ses terres tous les ans.

Les interventions de sarclage manuelles sont remplacées par le désherbage chimique.

Les engins sont lourds, ils tassent le sol et le compactent.

Le labour répété à la même profondeur crée une « semelle » défavorable à l'infiltration de l'eau.

La fréquence des labours nuit à la faune, tout particulièrement aux vers de terre, et aux micro-organismes du sol.


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( Cl : M L )


LA DIVERSITÉ DES CULTURES ET L'OCCUPATION DU SOL

Les cultures et les élevages sont très diversifiés. Le paysan produit tout ce qui est nécessaire à l'alimentation du bétail.

Aux cultures de blé, avoine, orge, seigle, maïs, tournesol, betteraves, choux, topinambours, navets, luzerne, trèfle, sainfoin, s'ajoutent le foin des prairies naturelles. Le paysan a aussi souvent une vigne pour sa consommation personnelle.

On élève vaches, chevaux, chèvres, moutons, cochons, oies, canards, poules, lapins...

Le territoire est une mosaïque de petites parcelles avec des productions diversifiées en contact avec des zones naturelles : bois, bosquets, haies, prairies, broussailles. Cette situation favorise un certain « équilibre » naturel. Les prédateurs et les parasites limitent la prolifération des « ennemis » des cultures.

La rotation des cultures est favorable à l'entretien et à la fertilité des sols.

L'agriculteur moderne est très spécialisé et abandonne toutes les productions qui ne sont pas du domaine de sa spécialité.

De nouvelles techniques apparaissent comme les élevages hors-sol, les cultures hydroponiques.

Le territoire s'est banalisé. Les mêmes cultures se succèdent à perte de vue, reviennent chaque année sur les mêmes terrains, laissent les sols à nu une grande partie de l'année.

Les cultures spécialisées à haut rendement, de même que les animaux de l'élevage intensif en batteries sont fragiles, sensibles aux maladies ; pour les protéger on a recours à tout un arsenal chimique dont les résidus se retrouvent dans le sol, dans l'eau, dans l'air, dans nos aliments...


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( Cl : J M )


LA FERTILISATION

Toutes les déjections des animaux rejoignent le tas de fumier où, mélangées à de la paille, elles vont subir une fermentation et commencer à se décomposer. Le fumier sera épandu sur les terres après la récolte, juste avant les labours d'automne. Un beau tas de fumier est un signe de prospérité. Le purin est également recueilli et utilisé comme fertilisant.

Comme dans tous les domaines le paysan recherche l'autosuffisance. Il achète peu d'engrais. Les cultures de légumineuses ( luzerne, trèfle, sainfoin, féveroles ) permettent d'enrichir le sol en azote. La rotation des cultures et des objectifs de production beaucoup moins élevés qu'aujourd'hui permettent au paysan un usage modéré des fertilisants.

Les objectifs de production des céréaliers sont très élevés. Il ont été multipliés par trois ou quatre par rapport à ceux des années cinquante et nécessitent des apports d'engrais beaucoup plus importants.

Pour rentabiliser à la fois la distribution des aliments et la collecte de la production, les élevages se sont concentrés dans certains secteurs géographiques. Les quantités d'excréments qu'ils produisent ne peuvent plus être utilisés sur place de façon rationnelle. Il y a une pollution généralisée de l'eau par les nitrates, le phosphore et les bactéries... les odeurs en prime. C'est aussi à ce système que nous devons la vache folle, le poulet à la dioxine etc...


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( Cl : J M )


LA PROTECTION DES CULTURES

Le désherbage se fait par sarclage, avec la houe et à la main avec une bêche. Les séquences de luzerne et de cultures sarclées permettent de limiter la prolifération des « mauvaises herbes ».

Contre les maladies des plantes le paysan ne dispose guère que de la bouillie bordelaise qu'il utilise surtout sur la vigne, les arbres fruitiers et sur quelques légumes. La robustesse d'une variété, sa résistance aux maladies importent au moins autant qu'une forte productivité.

Il en est de même pour les animaux. Les prédateurs et les ravageurs sont nombreux mais ils sont eux-aussi victimes de prédateurs, de parasites, de maladies.

La défense des cultures est une affaire de stratégie et de « chance ».

Le paysan n'a rien du « gros sale » évoqué par un ministre à propos de l'agriculture intensive.

Dans sa course à la productivité l'agriculteur a recours à des variétés végétales et à des races animales très productives mais aussi très sensibles aux maladies. Cette sensibilité est renforcée par les conditions de culture : forte densité, grandes surfaces propices aux proliférations de ravageurs, retour fréquent sur le même sol.

Même situation dans les élevages industriels en raison d'une faible diversité génétique, du stress dû à la concentration...

Les performances de l'agriculture intensive ne sont possibles que grâce à l'utilisation permanente de pesticides et d'antibiotiques.
La pollution généralisée par les pesticides et la résistance des germes pathogènes aux antibiotiques sont deux problèmes majeurs.


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Conclusion

L'industrialisation de l'agriculture a permis d'accroître considérablement la production à l'hectare et de répondre à la demande en produits agricoles. L'agriculteur peut vivre comme tout le monde, sans être esclave de ses animaux. Sa situation est beaucoup moins précaire que par le passé.

La contrepartie de cette évolution positive se traduit par de nombreux dysfonctionnements qui relèvent, au niveau de certains bassins versants, du désastre écologique.