La pollution de l'eau par les pesticides


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Les pesticides : des biocides

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( Cl : J M )

L'agriculture moderne cherche à obtenir une production à l'hectare très élevée au moyen de variétés végétales à haut rendement et de techniques intensives. La fragilité génétique de ces variétés productives et les conditions dans lesquelles elles sont cultivées les rendent très vulnérables aux maladies et aux ravageurs. Pour protéger ses récoltes l'agriculteur utilise toute une batterie de pesticides élaborés par l'industrie chimique. Les fabricants, les vendeurs et les utilisateurs préfèrent employer l'expression « produits phytosanitaires » qui fait référence à la santé des plantes plutôt que « pesticides » qui évoque plus brutalement le fait qu'il s'agit de biocides, c'est à dire de substances destinées à éliminer, de façon plus ou moins sélective des organismes vivants.

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Historique

L'usage systématique des pesticides en agriculture est une pratique récente qui accompagne le développement d'une agriculture de type industriel. A partir de 1843 on commence à utiliser le soufre, puis la bouillie bordelaise ( 1885 ) pour la protection des vignobles et des vergers contre l'oïdium et le mildiou.

L'efficacité du DDT ( 1940 ) comme insecticide, permettra de sauver de nombreuses vies humaines de maladies transmises par les puces et les poux. Mais son usage en agriculture aboutit à une contamination générale de la planète. Bien que sa fabrication et son utilisation soit interdites dans les pays développés, on a encore trouvé du DDT dans la graisse de dauphins échoués sur les côtes françaises en 2000. A la même époque que le DDT, on commence à utiliser comme désherbants le Parathion, l'HCH et le 2,4 D.

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L'usage des insecticides s'est généralisé et la panoplie des substances mises sur le marché a considérablement augmenté. En France, en 1994, 8 763 spécialités commerciales disposaient d'une homologation ou d'une autorisation provisoire de vente. Ces spécialités employaient, seules ou combinées, 906 substances actives autorisées.

Près de 100 000 tonnes de matière active sont utilisées chaque année en France.

En 1991 le marché français était le deuxième en valeur, après les États-Unis et le troisième en volume, après les États-Unis et le Japon. Parmi les substances actives 21 étaient classées comme extrêmement dangereuses ( classe 1A ) et 33 très dangereuses ( classe 1B ) pour la santé ou pour l'environnement.
Beaucoup de substances doivent être interdites mais les firmes s'emploient à retarder les échéances. Les produits interdits dans les pays développés sont souvent exportés ou fabriqués dans les pays en voie de développement où on les utilise pour des productions... que nous importons.

Certaines substances interdites en agriculture continuent d'être autorisées pour un usage domestique ou le jardinage.

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Les différentes catégories de pesticides

Le tableau suivant liste les principaux pesticides en fonction de leurs cibles
Catégorie Cible

Part du marché français
en 1994

Herbicides

Plantes

40 %

Fongicides

Champignons

38 %

Insecticides

Insectes

12 %

Bactéricides

Bactéries

10 %

Acaricides

Acariens


Nematicides

Nématodes


Mollucides

Mollusques


Rodonticides

Rongeurs


Les pourcentages présentés dans ce tableau
se rapportent au montant des ventes,
plus de 14 milliards de francs,
et non aux quantités utilisées.




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Les herbicides ou désherbants

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( Cl : J M )

Les herbicides représentent, avec les fongicides, l'essentiel des interventions chimiques destinées à protéger les cultures.

Les désherbants sélectifs détruisent la majorité des plantes à l'exception de l'espèce cultivée. Ils évitent le sarclage, manuel ou mécanique, et ils permettent le retour fréquent des mêmes cultures sur les mêmes parcelles qui autrement seraient envahies par les plantes adventices qui leurs sont associées.

Les désherbants dits « totaux » éliminent toute la végétation. Ils sont utilisés en agriculture pour détruire la végétation avant labour, mais aussi par la DDE, la SNCF et de nombreuses municipalités. Pour beaucoup de gens l'apparition d'un pissenlit ou d'un myosotis entre les pavés d'un trottoir est insupportable. Affaire de culture ; ailleurs on tolère les orties à proximité des monuments car on sait qu'elles servent d'hôtes aux chenilles de plusieurs papillons très appréciés du public. Quand le désherbage a lieu à proximité d'un fossé ou d'un cours d'eau, quand ce n'est pas dans le lit même, la pollution est immédiate.

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Les fongicides

Des maladies des plantes comme l'oïdium ou le mildiou sont dues à des champignons microscopiques. Il existe des espèces et des variétés très sensibles à ces maladies. Les cultures très denses entretiennent une atmosphère chaude et humide qui favorise le développement des champignons pathogènes. Pour être efficaces les traitements fongicides doivent être répétés régulièrement. Les fongicides neutralisent ou réduisent l'activité des champignons qui participent au recyclage de la matière organique.

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Les insecticides

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Pucerons sur fusain
( Cl : J M )

Beaucoup d'insectes attaquent les plantes cultivées. Les larves sont les plus voraces mais les insectes adultes peuvent aussi commettre des dégâts. Ils peuvent détruire une partie de la récolte, stériliser les fleurs, ou rendre le produit fini impropre à la commercialisation le consommateur étant accusé, à tort ou à raison, de ne pas supporter le moindre défaut dans un fruit ou un légume. Les pucerons sont les insectes les plus redoutés d'une part en raison des dégâts qu'ils occasionnent en suçant la sève des plantes mais aussi parce qu'ils sont les vecteurs de maladies à virus.

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Effets indésirables

Le manque de sélectivité

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Syrphes adultes sur fleur de pavot.
Leurs larves sont prédatrices des pucerons.
( Cl : M L )

Les produits chimiques utilisés pour éliminer un ravageur des cultures ont une action qui se limite rarement à la cible. Les produits dits « sélectifs », et qui ne le sont pas tant que ça, sont plus coûteux et leur mise en oeuvre est plus délicate car ils doivent être appliqués à un moment précis du cycle biologique de l'organisme à éliminer. La plupart du temps, un traitement insecticide sur des pucerons élimine également les larves de coccinelles, de chrysopes et de syrphes qui sont de grands prédateurs des pucerons. Même en cas d'élimination sélective des pucerons on interrompt le cycle de leurs parasites internes, de minuscules hyménoptères, qui sont très efficaces pour limiter les proliférations.

Les produits utilisés pour lutter contre une ou deux espèces de limaces particulièrement nuisibles aux jeunes plants détruisent sans distinction toutes les espèces de mollusques y compris des espèces protégées. Après plusieurs interventions on a généralement réussi à détruire les prédateurs et les concurrents, et l'espèce indésirable, non seulement n'a pas disparu, mais a le champ libre pour proliférer.

Un autre exemple édifiant concerne la vigne. On a utilisé des moyens chimiques pour détruire un petit coléoptère de la famille des charançons, appelé « cigarier » parce qu'il roule les feuilles de la vigne pour faire une sorte de cigare dans lequel il dépose ses oeufs. A l'occasion de ces traitements toutes sortes d'insectes auxiliaires ont été éliminés. Au final on s'est retrouvé confronté à des proliférations d'acariens qui causent des dommages bien plus considérables que ceux des cigariers et qui entraînent des traitements chimiques coûteux et très pénalisants pour l'environnement.

Les effets secondaires

Autre effet indésirable, on élimine des organismes qui participent activement au recyclage de la matière organique ; on en détruit d'autres qui constituent une nourriture essentielle pour beaucoup d'espèces animales. Certains mélanges de désherbant et de pesticide détruisent pratiquement toute la population des vers de terre.

Les résidus de pesticides accumulés dans certaines productions les rendent impropres à la consommation, tout au moins dans les pays développés...

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Quand les insectes font de la résistance

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Les premiers cas de résistance d'insectes aux insecticides ont été observés au tout début du XXe siècle. La situation est restée assez stable jusqu'en 1948, on connaissait alors 14 cas de résistance. Puis le nombre de cas a augmenté rapidement en liaison avec l'utilisation de plus en plus fréquente et abondante de produits insecticides : 137 cas en 1960, 364 cas en 1975, 474 cas en 1980. Cette évolution, qui se poursuit, a pour conséquences :



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Un cercle vicieux

Bien que les méthodes d'application des pesticides fassent des progrès, dans le sens qu'elles permettent d'en réduire les doses, leur consommation augmente sans cesse :



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( Cl : M L )


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La pollution par les pesticides

On admet généralement que 80 % de la matière active « se perd dans la nature ». Une compilation d'études scientifiques donne à penser que seule une infime partie de la matière active, moins de 1 %, atteint effectivement sa cible. Quoi qu'il en soit la contamination de l'écosystème est générale. On trouve maintenant des pesticides partout, dans la terre, dans l'eau, dans l'air, dans nos aliments, dans le lait maternel... Ils ont la faculté de se concentrer tout au long des chaînes alimentaires. Un élément présent à l'état de traces à peine décelables dans le milieu naturel peut se retrouver dans les organismes vivants à des concentrations plusieurs centaines de fois supérieures.

Que deviennent les pesticides dans le milieu naturel ?

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Parcelle sous l'eau après désherbage chimique
( Cl : M L )

Le plus souvent on n'en sait rien. On s'intéresse surtout à ceux qui se retrouvent dans l'eau que nous buvons, dans l'air que nous respirons, dans nos aliments. Ou à ceux qui provoquent une mortalité élevée chez des animaux auxquels l'homme prête attention, comme les mammifères, les oiseaux, les poissons, les abeilles. Les pesticides qui n'ont pas d'effets nocifs spectaculaires sont jugés inoffensifs... jusqu'au jour où l'on découvre qu'ils ne le sont pas du tout, qu'ils se sont concentrés dans les chaînes alimentaires et que la planète tout entière est contaminée...

Certains pesticides sont détruits par le rayonnement ultra-violet, par l'hydrolyse, par l'action des micro-organismes du sol. Tous ces processus ont pour effet de casser les molécules d'origine en éléments plus simples, mais ces nouveaux éléments peuvent être aussi toxiques que les molécules d'origine et ils peuvent se recombiner entre eux avec des résultats imprévisibles. On se rassure parce que l'on ne trouve plus dans le milieu l'élément actif recherché. Mais qu'est-il devenu ?

Bien entendu, avant de pouvoir être mis sur le marché, les pesticides doivent subir toutes sortes de tests destinés à évaluer leur nocivité potentielle. Mais tester en laboratoire ou sur quelques parcelles expérimentales, même plusieurs années de suite est un exercice qui a peu à voir avec l'usage intensif et prolongé sur des millions d'hectares et pendant des dizaines d'années. Les tests montrent toutes leurs limites quand on sait que la toxicité des pesticides à l'égard des vers de terre n'est pas prise en compte... La principale qualité d'un animal de laboratoire destiné à évaluer la toxicité d'un pesticide c'est avant tout... d'être facile à élever !

Les expériences passées n'incitent pas à l'optimisme : combien de pesticides d'abord homologués ont finalement été retirés du marché après une longue période d'utilisation, en raison d'effets nocifs sur la santé ou l'environnement.

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Quelques questions qu'il faut bien se poser

Les scientifiques chargés d'évaluer les risques peuvent-ils travailler en toute indépendance, sans aucune crainte pour leur carrière. Disposent-ils de tous les moyens nécessaires pour évaluer la toxicité et les effets à long terme des produits ?

Pourquoi les produits interdits dans les pays développés peuvent-ils continuer à être vendus dans les pays en voie de développement ?